Ingénieure : un métier qu’il faut décliner au féminin

En France, sur près d’un million d'Ingénieurs en activité, 24% seulement sont des femmes. Un chiffre qui stagne depuis dix ans selon l'Observatoire des Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF). Alors que le pays manque cruellement d’Ingénieurs dans de nombreux secteurs, et en particulier dans l’industrie, il est crucial d’agir rapidement et à plusieurs niveaux pour favoriser la présence de femmes dans l’ingénierie mais aussi susciter des vocations chez les jeunes filles. Nous avons interviewé Marie, Ingénieure de formation, Chef de projet dans l’industrie pendant 10 ans devenue Consultante en recrutement. Elle nous livre 5 pistes d’action pour féminiser davantage la profession.

1/ Ériger un environnement de travail inclusif

Pour attirer plus de femmes vers les métiers de l’ingénierie mais surtout pour les fidéliser, il est essentiel d’instaurer un environnement de travail plus inclusif car encore trop de femmes Ingénieures abandonnent le métier prématurément. Les contraintes horaires, notamment dans l’industrie, ne favorisent pas l’équilibre vie pro / vie perso et évoluer dans un environnement encore très masculin en décourage plus d’une.  

A ce titre, le gouvernement français et les directions d’entreprise doivent mettre en place plusieurs actions pour pallier cette situation :  

• Lutte contre les stéréotypes de genre via des campagnes de sensibilisation et des politiques claires contre le harcèlement et la discrimination. Stop aux blagues et aux comportements sexistes qui datent d’un autre temps.  
• Respect des équilibres de vie avec le déploiement d’une charte de la flexibilité (souplesse horaires, télétravail, temps partiel) valable pour les Ingénieures et les Ingénieurs !  
• Gestion de la parentalité (congés maternité ET paternité, aménagement du temps de travail)

Contrairement aux idées reçues, la parité n’est pas qu’une histoire qui se raconte au féminin et qui ne concerne que les femmes, c’est une histoire d’Hommes dans laquelle les hommes ont un rôle prépondérant à jouer. Ces derniers doivent être moteurs pour accepter la différence et créer un environnement de travail où chacun et chacune dans l’équipe pourra s’épanouir, cela passe notamment par la mise en application de politiques fortes pour respecter l’équilibre des temps de vie pour tous – et pas seulement pour les femmes. 

2/ Réduire les écarts salariaux dans l’entreprise

18%. C’est encore l’écart de salaire moyen entre les hommes et les femmes ingénieurs en 2023 selon les derniers résultats de l’IESF, les femmes touchant un salaire brut médian annuel de 51 024 € contre 62 337 € pour les hommes. Une différence qui s’explique, en partie, par des niveaux hiérarchiques différents, les hommes ayant tendance à occuper plus de postes avec plus de responsabilités que les femmes mais pas seulement, puisque sur les seules fonctions de Direction Générale, l’écart moyen de salaire hommes/femmes est de 30% en faveur des premiers !  

En France, aujourd’hui, seulement 29% des diplômés des écoles d'ingénieurs sont des jeunes femmes. Si ce chiffre montre une légère progression au fil des années, il y a encore actuellement trop peu de filles qui choisissent après leur bac de se tourner vers des études et formations scientifiques. Un déséquilibre initial qui a des répercussions significatives sur la représentation des femmes dans les postes à responsabilité du secteur, et par conséquent, sur leur rémunération.

D’autre part, les femmes ingénieures s'orientent moins souvent vers des métiers techniques de la maintenance ou de la production, domaines traditionnellement dominés par les hommes. En effet, les pourcentages montrent une nette préférence des femmes pour des domaines comme la recherche et développement (R&D) ou la qualité. Cette orientation professionnelle a un impact direct sur leur évolution de carrière. Les postes en maintenance ou en production, bien que moins attractifs à première vue, sont souvent ceux qui mènent à des positions de management ou de direction de projets. Or, ce sont ces postes qui permettent une valorisation des compétences et une augmentation des rémunérations.

Ainsi, le manque de femmes dans ces métiers se traduit par une sous-représentation féminine dans les postes à haute responsabilité. Cela perpétue un cercle vicieux où les femmes sont moins présentes dans les rôles décisionnels, limitant leur visibilité et leur influence dans le monde de l'ingénierie.

>> Pour en savoir plus sur les rémunérations pratiquées dans votre secteur, téléchargez notre étude de rémunérations.  

3/ Accompagner le développement des talents féminins  

Les plafonds de verre existent à plusieurs niveaux dans l’entreprise. On les identifie principalement dans l’évolution d’un poste de responsable à celui de dirigeante, et dans celle d’une fonction de dirigeante à membre du comité de direction de l’entreprise. Afin de les contourner et d’offrir aux femmes Ingénieures de nouvelles perspectives de carrière au sein de l’industrie, il est crucial d’effectuer un travail de fond sur :  

• les systèmes de promotion interne avec la mise en place d’un système d’évaluation objectif permettant l’égalité des chances, la création d’un indicateur de suivi des promotions H/F mais aussi d’un programme de détection et de suivi des hauts potentiels féminins.  
• les formations continues et autres opportunités de développement professionnel et personnel (ateliers, coaching individuel ou collectif, mentorat, …)
• l’accès ou la mise en place de réseaux féminins pour favoriser le partage d'expériences et l'entraide entre femmes ingénieures.

Afin de briser le plafond de verre et de favoriser la parité au sein de leurs différentes strates managériales, les entreprises doivent promouvoir la neutralité dans les opportunités et les responsabilités qui sont confiées peu importe le genre et la situation personnelle. A compétences égales, la personne à qui on propose un poste ou une évolution sait mieux que quiconque comment elle pourra s’organiser, réussir et avancer. L’évolution des entreprises repose sur la volonté des femmes à évoluer vers des postes de responsables d’équipe et sur celle des hommes à faciliter cette évolution. 

4/ Promouvoir et valoriser les parcours de carrières féminins au sein de l’entreprise  

Certes, les Ingénieures ne sont pas nombreuses mais elles existent ! Afin de légitimer leur présence et de faire évoluer les mentalités, il est essentiel que les entreprises les rendent visibles en interne et en externe avec des actions de communication dédiées :

• Portraits et témoignages sur une page du site web et/ou l’intranet,  
• Mise en place et médiatisation de rôles modèles,
• Interventions auprès d’élèves et d’étudiants dans les écoles dès le plus jeune âge, …

L’ingénierie véhicule malheureusement des préjugés qui laissent souvent penser que les femmes ne sont pas légitimes dans ces métiers. Il est donc crucial de casser cette image et de montrer que les femmes y ont toute leur place ! Il faut que les entreprises travaillent autour de ce message fort sur leurs différents canaux de communication externe, notamment sur les réseaux sociaux afin de toucher les plus jeunes générations dès l’école avant le choix des études. Il faut mettre en avant les profils de femmes qui n’ont pas eu à faire de sacrifices pour se retrouver au même niveau que leurs homologues masculins et auxquels on n’aurait jamais demandé d’en faire. Les femmes doivent se reconnaître dans des parcours similaires, qui leur donneront l’envie et la motivation d’évoluer et de s’investir.  

5/ Agir dès l’école pour orienter plus de filles vers les filières et formations scientifiques

En 2011, 26% des diplômés d’école d’Ingénieurs en France étaient des femmes. En 2022, elles sont 28% soit une proportion quasi-similaire 10 ans après. Aussi, il est fondamental de passer à la vitesse supérieure en matière d’actions auprès des professionnel(les) de demain :  

• Promotion des métiers techniques et des parcours de carrière dans les écoles primaires, collèges et lycées.  
• Création de programmes de sensibilisation et de formation destinés aux jeunes filles en collaboration avec des établissements d'enseignement supérieur. Plus de jeunes filles doivent se présenter aux concours scientifiques.
• Organisation des journées portes ouvertes et des stages pour les étudiantes dès la prépa afin de leur faire découvrir le monde de l'ingénierie

 Nous devons travailler à la déconstruction des stéréotypes de genre non seulement dans l’entreprise, mais aussi, en parallèle, dès l’école. C’est seulement ainsi que nous mettrons un terme à certaines croyances, ancrées dès l’enfance et portées ensuite dans la vie professionnelle, qu’il existe des métiers d’hommes et des métiers de femmes, des rôles dévolus aux hommes et inaccessibles aux femmes. Non les hommes ne sont pas voués à exercer des métiers scientifiques, techniques ou dans l’informatique et les femmes des métiers littéraires, dans la communication ou le soin ! C’est uniquement en ouvrant les esprits, en déliant les langues que par association, nous pourrons progressivement atteindre une meilleure parité et un meilleur équilibre qui se répercutera positivement sur l’ensemble de la société. 

Pour conclure, bien que le nombre de femmes ingénieures soit en augmentation, il est encore trop bas pour équilibrer la répartition homme-femme dans ce secteur. Pour assurer une réelle égalité, il est indispensable de soutenir et d'encourager les femmes à s'engager dans des carrières d'ingénieurs, y compris dans des métiers traditionnellement masculins comme la maintenance et la production. Seule une approche globale et proactive permettra de réduire significativement ce déséquilibre et de valoriser les talents féminins à leur juste valeur.

Si les femmes restent aujourd’hui encore trop peu nombreuses dans l’industrie, j’ai tout de même pu constater une vraie évolution des mentalités entre le début et la fin de ma carrière dans ce secteur. Il y a eu, au cours de cette dernière décennie, une réelle prise de conscience chez de nombreux hommes de la richesse et de la complémentarité qu’une approche féminine pouvait apporter au sein de leurs équipes. Intrinsèquement, la diversité, quelle qu’elle soit, est une grande source de performance. Elle permet de sortir des sentiers battus, d’apporter des compétences et des idées nouvelles ou encore de tester des leviers d’action inédits. Nous devons tous dépasser les préjugés et surtout les biais cachés que nous pouvons avoir, afin de favoriser et de promouvoir la diversité et l’inclusion à tous les niveaux.   

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